Rapprochement des histoires européennes
L'Union paneuropéenne croate, en coopération avec l'Union paneuropéenne internationale et le ministère des Affaires étrangères et européennes de la République de Croatie, a organisé une conférence internationale du 16 au 18 octobre 2015 à Požega.
La conférence était intitulée « Idéologues, totalitarismes et vérité : la réconciliation des histoires européennes - Un point de vue de l'Union européenne et de la Croatie dans l'Union européenne ».
Dans le cadre de la conférence, une session du Conseil de Présidence de l'Union paneuropéenne internationale s'est tenue.
Sur le sujet de la conférence
Le rapprochement des histoires est en cours dans l'Union Européenne. Les histoires nationales ont souvent présenté une vision unilatérale des événements en conflit avec d'autres interprétations possibles. Lorsque de telles entreprises historiographiques ont servi la politique ou l'idéologie, elles se sont éloignées des paradigmes et de la scientificité pour devenir idéologèmes. Ces idéologèmes conflictuels ont servi des ambitions politiques opposées. On doit être capable de voir quelque chose avec ses propres yeux, aussi bien qu'avec les yeux des autres, en se fondant sur les faits tout en les examinant sous toutes leurs coutures. Ce n’est pas impossible. Nous trouvons cela déjà dans les écrits d'Hérodote, le premier des historiens, qui voulait rendre compte des grandes actions, mais également des horreurs, réalisées tant par les Grecs que par ceux qu’ils considéraient comme des Barbares; son travail est impressionnant par son impartialité. Il ne révèle aucun conflit important d’interprétation entre les Grecs et le monde persique. Il se situe au-dessus de ces grilles de lecture partielles. Malheureusement, ce n’est pas le cas des versions françaises, anglaises, espagnoles ou allemandes de l'histoire européenne qui, trop souvent, ne convergent pas. Il en est de même des versions polonaises et russes, ou croates, serbes et bosniaques. Dans cet environnement proche, il faut néanmoins souligner l’œuvre d'Ivan Lučić pour son sens impressionnant de la mesure et de l’impartialité scientifique. Pavao Ritter Vitezovic est, également, non seulement un historien croate, mais aussi un spécialiste reconnu de l'histoire de Bosnie et de Serbie.
Si ces histoires guidées par des intérêts nationaux doivent être réconciliées, encore plus extrême est le cas des approches historiques mises au service des régimes totalitaires du 20e siècle. Ces nationalistes, racistes, classistes et autres extrémismes ont tous été rejetés à la fin, mais leur radicalité laisse ouvert un véritable domaine d’étude : celui de la faillibilité humaine. Richard Coudenhove-Kalergi a écrit à ce sujet, dans le style clair et didactique qui le caractérise, des pages marquantes pour la lutte contre tous les totalitarismes. Sur un plan plus modéré, les points de vue strictement nationaux sont encore très vivants, se manifestant tant par la confrontation des interprétations des grandes nations que par leur incapacité à percevoir l’histoire des petites nations, se révélant également dans la crainte éprouvée par les petites nations à l’égard des grands et dans les préjugés mutuels persistants.
Cependant, s’il est certain que l’on doit aujourd’hui dépasser ces visions unilatérales pour construire une histoire plus globale dans son esprit, prenant en compte le contexte européen et mondial, supprimant la partialité et les préjugés et accusations réciproques, il ne s’agit pas de recourir à une nouvelle idéologisation de l’histoire : cela ne nous aiderait pas d’éliminer toute trace de la violence qui régna entre les nations ou les parties de la société, ni d’analyser les conflits, les guerres, les injustices et les crimes à travers des lunettes roses.
L’Histoire contribue à la construction des cultures et des civilisations, mais peut aussi les ramener en arrière et leur causer douleur et injustice. Seule la vérité historique, de bonne foi, montrant à tous le chemin de la justice, admettant les failles, respectant les sacrifices, mettant en avant des éléments exemplaires, peut guérir les blessures, apaiser les conflits et de construire un monde où la justice, la compréhension et le respect envers les autres prévaudront. Aujourd'hui, les histoires commencent à être aussi écrites d'un point de vue écologique, parce que la guerre avec la nature ne nous mène pas plus vers un avenir, mais, grâce aux progrès technologiques, seulement vers notre propre destin. Par conséquent, nous n’avons pas besoin de nouveaux idéologèmes, pas même ceux policés parce qu'ils pourraient mieux servir la criminalité que les sacrifices, et nous ne surtout pas besoin de quelqu'un pour nous imposer une nouvelle vision du monde totalitaire mondialisé. Nous avons besoin de la vérité et nous devons en tirer des leçons; nous ne devons pas oublier ou ignorer le passé - nous devons apprendre de l'Histoire, vue à partir de tous les points de vue, afin de ne pas répéter ses douleurs, ses injustices et ses dévastations, mais de construire une nouvelle culture et une civilisation en harmonie avec les autres, avec le monde entier et avec la nature.
Pavo Barišić
Traduction en français supervisée par Stephen Lequet
- Programme de la conférence (EN) PDF)
- Déclaration (EN) (PDF)